CR – Objectifs et héritages des jeux Paralympiques, 2 mai 2024

La séance a débuté par une introduction de la part des étudiants. Thabile Guillouët a présenté l’histoire des Jeux Paralympiques, de l’olympisme antique à aujourd’hui, en passant par les origines du parasport. Il a été rappelé le rôle pionnier des sourds muets avec l’organisation des Deaflympics, avant l’institutionnalisation et l’internationalisation des Jeux de Stroke Mandeville entre 1948 et 1984, qui se sont élargis à différents types de handicaps et sont devenus les Jeux Paralympiques. Des Jeux de Rome en 1960 à ceux de Séoul en 1988, qui ont regroupé les Jeux Olympiques et Paralympiques sur les mêmes sites sportifs, puis ceux de Paris en 2024 où les synergies sont encore bien plus fortes, le séminaire a permis de retracer les évolutions de cette compétition. Thibaud Schlesinger a ensuite évoqué les spécificités des Jeux Paralympiques et de son système de classification pour s’adapter aux différents types de handicaps pour chaque sport, avec les enjeux que cela comporte à la fois en termes d’équité, de capacité à mobiliser et sélectionner des athlètes, ou encore d’organisation et de logistique des compétitions. Il existe également des parasports spécifiques, souvent trop méconnus, qui n’ont pas leur équivalent lors des Jeux Olympiques, tels la boccia, le goalball ou le cécifoot. Enfin, l’introduction a permis de retracer l’évolution de la notion même de handicap, qui a évolué de définitions purement médicales pour aller vers des définitions plus sociales, définissant un handicap par l’inadaptation de la société à certains individus. Le terme “en situation de Handicap” a un sens précis à cet égard.

La table ronde a permis de croiser les expertises, expériences et analyses de nos intervenants, sous les angles scientifiques, institutionnels et associatifs. L’équipe du séminaire tient à remercier chaleureusement Marie-Amélie Le Fur, Rémi Richard et Jérôme Rousseau pour leurs échanges très instructifs. Les discussions ont largement porté sur le parasport au-delà des seuls Jeux Paralympiques, et sur la place du handicap dans une société trop souvent validiste.

Concernant les attentes autour des jeux, les objectifs du comité paralympique et sportif français reposent sur trois piliers : obtenir des performances pour l’équipe de France, améliorer la construction identitaire des personnes en situation de handicap et avoir un impact social qui dépasse le champ du sport. Des victoires françaises permettraient de médiatiser de manière positive le handicap, sous toutes ses formes. Au-delà du sport, l’accessibilité des équipements sportifs est en effet le principal frein à la pratique sportive relevé par le monde associatif. L’héritage des Jeux est à la fois matériel, avec de nouvelles infrastructures pérennes, et immatériel, avec des effets sociaux, politiques, légaux et culturels. Cependant, il faudra faire attention aux financements pour permettre la durabilité de cet héritage, et faire en sorte que le financement ne se focalise pas uniquement sur le haut niveau et les grandes villes. Des enseignements peuvent être tirés des écueils des Jeux de Londres afin de mieux anticiper de nouvelles demandes en matière de participation sportive et les collectivités ont commencé à investir davantage dans les clubs sportifs pour cela. À Paris par exemple, des créneaux supplémentaires de parasport ont été ouverts dans les gymnases proches des lignes de tramway.

Concernant la visibilité des Jeux Paralympiques, et son articulation aux Jeux Olympiques, il a été rappelé qu’il serait très complexe de les fusionner car il faut configurer les arènes sportives qui n’accueillent pas nécessairement les mêmes sports pendant les deux compétitions. Par ailleurs, les institutions sont différentes et l’inertie est grande. Cette année les deux jeux sont néanmoins regroupés sous le même logo, utilisent les mêmes infrastructures et l’on dispose d’une équipe de France unifiée. Une fusion des deux jeux pourrait également se traduire par des conséquences négatives en termes d’inclusion et pourrait mener à exclure les handicaps les plus sévères et à ne conserver que certains handicaps promouvant une vision d’athlètes “augmentés”, comme les athlètes munis de prothèses. Le piège serait alors de refuser de voir les handicaps qui dérangent davantage, et de réduire la performance de haut niveau d’un parasportif à une tragique histoire de résilience et de courage, qu’on qualifie aujourd’hui de “inspiration porn”.

Pour le parasport de haut niveau, il y a différentes temporalités : le repérage des talents, l’entraînement intensif, la classification et la participation aux compétitions, et il faut accentuer les efforts à chaque étape.

La classification est un moment particulier pour les athlètes qui permet de sortir du pathos, puisqu’on est évalué en fonction de sa performance. Cette étape est néanmoins parfois vécue comme une réassignation douloureuse au handicap. Une panoplie de stratégies est alors déployée pour concourir dans la catégorie où l’on a le plus de chances de gagner, et certaines fédérations n’hésitent pas à jouer avec les limites des règlements.

Les intervenants ont souligné différents freins à la pratique sportive. Il faut pour une personne en situation de handicap parcourir en moyenne 50 km pour trouver un club, 1,4% des clubs métropolitains se disant capables de l’accueillir. Le transport est ainsi le principal défi, pas uniquement sur le plan des infrastructures mais également de l’accompagnement. Ainsi, une personne en situation de handicap visuel ou mental peut avoir besoin qu’on lui montre le trajet jusqu’à une salle de sport et les services pour aider à la mobilité sont encore insuffisants et peu flexibles. Il faut également dépasser les pensées limitantes, qu’elles soient celles de la personne en situation de handicap, de ses parents, des médecins ou du milieu scolaire. Cela suppose un accès à l’information et l’existence d’éducateurs formés, à même de percevoir le potentiel sportif de l’individu et de l’accompagner. Par ailleurs, au-delà du validisme, d’autres mécanismes d’oppression, ou freinant la pratique sportive peuvent se superposer. Ainsi, certains hommes en situation de handicap surperforment leur masculinité par le sport, tandis que des femmes en situation de handicap sont perçues comme désexualisées, ce qui leur laisse le choix de compenser cela en se sur-féminisant ou bien en assumant cette dé-féminisation, qui peut néanmoins mener à une sous-médiatisation. Il y a moins de parasportives que de parasportifs, ce qui est également lié à une multitude d’autres facteurs, notamment le manque de modèles, d’accompagnantes femmes ou encore de toilettes et autres équipements adaptées.

Ce séminaire a ainsi permis de constater une convergence des points de vue entre les milieux institutionnels, associatifs et académiques sur les mesures à mettre en place pour favoriser la pratique du sport pour tous. Beaucoup reste à faire et si les jeux paralympiques permettent d’évoquer des sujets importants et de leur donner de la visibilité, l’héritage de ces jeux dépendra à la fois de la continuité des financements après ceux-ci et également du choix de travailler en priorité sur l’amélioration de la pratique sportive du quotidien pour les personnes en situation de handicap et non seulement sur le parasport de haut niveau.

Thabile Guillouët et Thibaud Schlesinger.